- QUÉBEC (PROVINCE DE)
- QUÉBEC (PROVINCE DE)Le Québec est la plus vaste province du Canada, mais les quatre cinquièmes environ de son territoire reposent sur le Bouclier, que parsèment des milliers de lacs, écrins scintillant dans l’immense forêt. Alors que les basses montagnes des Appalaches apparaissent au sud du fleuve Saint-Laurent, c’est le corridor occupé par ce dernier qui constitue l’épine dorsale économique de la province. Celle-ci vit au rythme d’une bipolarité partagée entre la ville de Québec, capitale provinciale, et Montréal, la plus grande agglomération, un des centres industriels, commerciaux et financiers les plus importants d’Amérique du Nord. La production manufacturière québécoise représente le quart du total canadien, et le secteur est dominé par les industries du papier, des métaux de première fusion et les industries agricoles et alimentaires. L’hydroélectricité tient une place primordiale dans l’économie de la province. Au recensement de 1991, la population du Québec s’élevait à 6 812 800 personnes, soit 25,4 p. 100 des habitants du Canada.Situation et étendueAvec une superficie totale de 1 540 680 kilomètres carrés, la province de Québec est trois fois plus grande que la France et sept fois plus que la Grande-Bretagne. Le territoire s’étire sur 18 degrés de latitude et 25 degrés de longitude. Il couvre 15,5 p. 100 de la surface du Canada. Seuls les Territoires du Nord-Ouest sont plus étendus. L’immensité est donc l’une des données fondamentales de la géographie du Québec: à l’intérieur de ses frontières pourraient se rassembler les cinq provinces de Terre-Neuve, de l’Île-duPrince-Édouard, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l’Ontario. Les limites maritimes sont beaucoup plus longues que les frontières terrestres. Le Saint-Laurent, sur une courte distance, et la rivière des Outaouais, sur une bonne partie de son parcours, séparent le Québec de l’Ontario.La position géographique nordique du Québec a des incidences sur le climat et la végétation. Mais la rigueur n’affecte pas uniquement les conditions naturelles: les activités et la distribution de la population sont également touchées. Il ne faut donc pas s’étonner que, par suite d’un climat difficile, souvent hostile, la majeure partie du territoire québécois se situe en dehors de l’œkoumène continu. Villes et agriculture n’occupent que 2 p. 100 de la superficie provinciale tandis que les forêts commercialement exploitables en accaparent environ la moitié. On peut distinguer trois grands types de climats suivant une zonation latitudinale: au sud règne un climat continental humide, incorporant tout l’axe laurentien dans le « Canada des neiges», le Centre est soumis à un climat subarctique, alors que le Nord connaît une ambiance franchement polaire. À l’image du climat, la végétation se modifie en remontant du sud vers le nord: le Sud est principalement le grand domaine de la forêt mixte à essences variées comme l’érable ou le pin blanc. Plus au nord domine la forêt boréale avec ses grands résineux: c’est le royaume de l’épinette. Au-delà du 52e parallèle, la forêt boréale devient de plus en plus rabougrie pour faire place progressivement à la toundra, terre d’élection des mousses et des lichens.Population et peuplementLa population est répartie très inégalement à l’intérieur de la province. D’une manière générale, les régions périphériques sont les moins peuplées, et c’est le long du Saint-Laurent, particulièrement entre Montréal et Québec, que se rassemblent le plus d’habitants: les six régions administratives qui se déploient de part et d’autre du fleuve comptaient 70 p. 100 de la population du Québec en 1991. La même année, 67,4 p. 100 des Québécois habitaient les six régions métropolitaines de recensement (R.M.R.), chacune équivalant officiellement à «tout agrégat urbain d’au moins 100 000 habitants dont le peuplement est territorialement continu» (cf. tableau).La population urbaine domine très largement la population rurale: 77,9 p. 100 contre 22,1 p. 100. En fait, c’est avant tout dans le Québec laurentien que se concentrent les habitants: il s’agit d’une portion du corridor vital de tout le Canada, dénommé Main Street, qui, de Windsor à Québec, représente un espace absolument unique en Amérique du Nord. La présence, au fil du fleuve, de densités humaines particulièrement élevées (125 h/km2 pour la région administrative de Montréal) procède d’une évolution longue, elle-même également singulière dans le Nouveau Monde. L’histoire des mouvements de population qui ont accompagné la conquête progressive du territoire montre que l’œkoumène s’est constamment agrandi, faisant reculer les fronts pionniers.Trois étapes jalonnent la mise en place du peuplement. La période française (1608-1760) débuta avec la fondation de Québec par Samuel de Champlain. Le développement de la Nouvelle-France s’étendit autour de trois bourgades: Québec (1608), Trois-Rivières (1624) et Ville-Marie, le futur Montréal (1642). Cependant, les guerres avec les autochtones entravèrent longtemps l’expansion du peuplement, au point que les colons n’osaient pas quitter les seigneuries de la vallée du Saint-Laurent. Il fallut attendre 1701 et le traité de paix signé à Montréal entre Français et Iroquois pour que cessent les hostilités et que le peuplement progresse vraiment. Celui-ci s’est principalement propagé en suivant les cours d’eau (rivières Chaudière, Richelieu et Yamaska), mais ce sont avant tout les districts de Montréal et de Québec qui retenaient la grande majorité de la population. En 1734, la construction du chemin du Roy entre Québec et Montréal entraîna une intensification du peuplement des deux rives du Saint-Laurent et, en 1760, au moment de la conquête anglaise, on estime à 60 000 les habitants de la Nouvelle-France.La période anglaise (1761-1900) voit arriver des colons d’Amérique, d’Écosse et d’Irlande. Parmi les premiers immigrants figurent les loyalistes, fidèles sujets de l’Angleterre qui quittaient les treize colonies de l’Atlantique avant l’indépendance américaine. C’est principalement en Estrie qu’ils se fixèrent. À compter de 1800, des Américains en quête de bonnes terres s’installèrent dans le Bas-Canada (futur Québec) et c’est à partir de 1815 que les Écossais et les Irlandais commencent à débarquer. Vers 1860, les immigrants anglophones sont environ 215 000. On leur doit la mise en valeur de l’Estrie, du versant sud des Laurentides, de l’Outaouais et de quelques secteurs de la péninsule de Gaspé. Afin de faciliter la colonisation, le gouverneur avait fait tracer le chemin Craig entre Sherbrooke et Lévis, répondant en écho sur la rive droite du Saint-Laurent au chemin du Roy. Notons que, durant la période anglaise, la population francophone poursuit son expansion, déborde sur toutes les régions du Québec, ouvrant à la colonisation de nouveaux espaces, entre autres la région Saguenay-lac Saint-Jean.La période contemporaine s’amorce au début du XXe siècle. Si l’Abitibi agricole est ouvert entre 1905 et 1910, suivi de l’Abitibi minier entre 1925 et 1930, ce sont avant tout les grands plans de colonisation des années 1930 qui influencèrent la progression du peuplement. La dépression économique issue du krach de Wall Street en 1929 a eu ici pour conséquence que les gouvernements d’Ottawa et de Québec décidèrent de donner aux chômeurs des terres dans le Nord québécois, favorisant ainsi la reconversion des ouvriers en agriculteurs: l’Abitibi, le Témiscamingue et le pourtour du lac Saint-Jean virent ainsi arriver de nombreux colons. Au cours des années 1950, les ressources minières ont provoqué l’ouverture de la Côte-Nord et du Nouveau-Québec. Depuis 1970, l’aménagement de la baie de James constitue le dernier front pionnier.Cependant, un phénomène de recentrage se manifeste depuis le début des années 1950: la population des campagnes perd de son importance, l’espace agricole diminue au profit d’une urbanisation galopante, d’où un taux de population urbaine très élevé et la part infime de la population agricole (2,2 p. 100 en 1991).Au sein de la population québécoise, une place à part doit être réservée aux autochtones, descendants de ceux qui habitaient le pays avant l’irruption des découvreurs européens. En 1991, on dénombrait au Québec 80 940 autochtones (62 445 Amérindiens, 11 265 Métis, 7 230 Inuit). Les Inuit se regroupent principalement au nord du 55e parallèle alors que les Amérindiens sont subdivisés en neuf grandes nations dont la plus nombreuse est celle des Mohawks.Secteurs d’activité et développement économiqueLes trois secteurs d’activité sont particulièrement inégaux au Québec: en 1991, le primaire n’intervenait que pour 4 p. 100 de la population active (Canada: 6,4 p. 100), le secondaire regroupait 24,7 p. 100 des actifs (Canada: 22,8 p. 100) et le tertiaire était pléthorique avec 71,3 p. 100 (Canada: 70,8 p. 100). Le secteur primaire est surtout développé en Abitibi-Témiscamingue, dans la région Bas-Saint-Laurent - Gaspésie, sur la Côte-Nord et au Nouveau-Québec. En Abitibi-Témiscamingue, les activités primaires fournissent un cinquième de tous les emplois de la région. Les régions de l’Estrie et de la Mauricie - Bois-Francs sont celles où le secteur secondaire occupe le plus de place, avec respectivement 31,8 p. 100 et 28,8 p. 100 des actifs. Enfin, la présence d’un grand nombre de services gouvernementaux et donc de fonctionnaires explique pourquoi les régions de l’Outaouais (77,6 p. 100) et de Québec (75,5 p. 100) sont celles où prédomine le secteur tertiaire.Le développement économique du Québec bénéficie d’une situation géographique très favorable: avec l’Ontario et le nord-est des États-Unis, on a ici l’un des plus grands foyers industriels du monde, dont les activités se localisent essentiellement sur les rives du Saint-Laurent. Le fleuve a toujours été la «grande porte de l’Amérique». Parmi les dix principaux ports canadiens, quatre se trouvent au Québec et leur trafic cumulé représentait en 1991 29 p. 100 du total national, plaçant la Belle Province au second rang derrière la Colombie-Britannique. En tonnage, le trafic portuaire se répartit ainsi: Sept-Îles, 21 919 000 tonnes; Port-Cartier, 21 797 000 tonnes; Québec, 18 536 000 tonnes; Montréal, 17 470 000 tonnes. Notons, par comparaison, que le trafic de Vancouver s’élève à 70 714 000 tonnes.Ainsi, la plus riche région économique du monde est desservie par la voie fluviale et maritime la plus performante de la planète. Le Saint-Laurent et son aménagement contribuent largement à l’essor du Québec. La voie maritime proprement dite se situe à l’amont de Saint-Lambert jusqu’à la frontière avec l’Ontario tandis que, à l’aval, le fleuve est navigable naturellement du fait de la pente quasi imperceptible qui relie Saint-Lambert à Québec (Saint-Lambert est à 6,1 m d’altitude). Ouvert en 1959, le canal maritime du Saint-Laurent, ou seaway , a immédiatement connu un trafic considérable, et en moins d’un quart de siècle (le 2 juin 1983) a été atteint le milliard de tonnes transportées. Par sa fonction, le Saint-Laurent apparaît comme le ciment de l’unité régionale québécoise, une sorte de gigantesque moelle épinière. Les densités humaines y sont très élevées ainsi que les revenus et les productions. On est véritablement ici au cœur économique de l’immense territoire. Pratiquement à aucun endroit on ne se trouve à plus d’une centaine de kilomètres d’une ville moyenne ou grande. Il existe, en effet, un puissant réseau urbain dont la toile se tisse à partir des deux pôles essentiels de Montréal et de Québec, relayés par Trois-Rivières, et qui génère d’innombrables flux. Tout au long du corridor, entre Laurentides et Appalaches, on ne traverse jamais d’espace vide d’hommes, fait à souligner dans l’immensité canadienne.Entre les aires urbaines, le très original paysage du «rang» caractérise le milieu rural. Durant les XVIIe et XVIIIe siècles, la colonisation française a créé dans la longue plaine alluviale des concessions en bandes oblongues s’étirant perpendiculairement tout d’abord au cours d’eau puis ultérieurement aux routes. Ces parcelles parallèles ont reçu le nom de «rangs». Les premiers sont apparus en 1626. Ce paysage s’individualise très fortement par ses terres de largeur à peu près égale d’une exploitation à l’autre, par ses parcelles d’un seul tenant avec la résidence de l’exploitant sur son lot. Vue du ciel, la disposition rappelle des lames de parquet.Sans transition, on passe de la campagne à la ville, même lorsqu’on arrive à Montréal.Le poids de la métropole montréalaiseDeuxième agglomération du Canada, derrière Toronto, par le nombre de ses habitants (3 127 242 en 1991), deuxième ville francophone du monde après Paris, Montréal regroupe 11,5 p. 100 de la population canadienne, mais surtout 46,4 p. 100 de celle de la province du Québec. Les avantages du site et de la situation géographique sont incontestables: l’existence des rapides de Lachine a entraîné l’émergence d’un point de rupture de charge, dont la fin est intervenue avec l’ouverture du canal maritime en 1959. À cela s’ajoute l’exemplarité de la position de carrefour: vers l’est, le Saint-Laurent assure l’ouverture sur l’Atlantique. Vers le sud, l’axe large et rectiligne Richelieu-Champlain-Hudson met Montréal en relation directe avec New York. À l’ouest s’ouvre une voie royale en direction de la mer intérieure des Grands Lacs, et vers le nord-ouest la rivière des Outaouais facilite l’accès aux immensités de l’Ouest canadien.Ce point de convergence unique a agi en sorte que les transports ont joué un rôle de tout premier plan dans la croissance de l’agglomération et le développement de l’industrie. La primauté de la fonction industrialo-portuaire est une donnée de base de l’essor montréalais et de la puissance économique du Québec. Par opposition à ce que l’on a souvent observé dans l’Ancien Monde, il n’existe pas ici à l’origine de gisement houiller ou minéralier qui explique l’industrialisation; on a su, en revanche, utiliser précocement la force motrice des cours d’eau pour produire de l’électricité. En réalité, on n’insistera jamais assez sur la complémentarité entre voies d’eau et communications terrestres pour expliquer pareille réussite. Le long des fronts d’eau se succèdent les établissements industriels de Montréal, que l’on peut classer en trois catégories: ceux qui traitent une matière première importée (raffineries de pétrole, sucreries ou usines textiles); ceux qui valorisent les ressources provenant du pays même (traitement du bois ou traitement des céréales); ceux enfin que l’on regroupe sous le nom générique d’industries manufacturières. Il n’empêche que le poids économique de Montréal ne saurait faire oublier que plusieurs autres aires géographiques du Québec contribuent avantageusement à sa prospérité. Certaines sont localisées en dehors du corridor laurentien.Le rôle du Bouclier dans la géographie québécoiseCouvrant pratiquement la moitié de la superficie du Canada, le vaste Bouclier est un monde en soi et, pour sa partie québécoise tout au moins, une terre riche de promesses. L’abondance et la variété des ressources minières, qui font dire qu’il y a «de tout et en masse et de tout et partout», ont transformé ces vastitudes en un authentique trésor. En ces lieux, l’expression de front pionnier, assimilable à celle de front minier, prend toute sa signification. Au Québec, l’illustration en est l’Abitibi-Témiscamingue, où l’extraction minière a entraîné l’éclosion d’une petite conurbation dont les pôles sont Rouyn-Noranda et Val-d’Or au nom si évocateur... On pourrait tout aussi bien mentionner Chibougamau-Matagami ou la rive du lac Saint-Jean vers Dolbeau. Plus à l’est, aux confins du Labrador, c’est l’empire du minerai de fer, réputé pour sa qualité. Mais la région ne serait pas devenue si prospère si, au début des années 1960, les États-Unis ne s’étaient trouvés contraints de s’approvisionner ailleurs que dans le Mesabi Range, dont les gisements commençaient à s’épuiser. En 1954 fut construit le chemin de fer minier reliant le bassin ferrifère au port de Sept-Îles.Le Bouclier contient également les plus grands espaces forestiers du monde: forêt déciduale au sud, boréale au nord, acquérant par suite de précipitations copieuses toute sa splendeur et sa plus forte densité au Québec. Rien de surprenant à ce que, dès 1860, s’ouvrent de grands «chantiers» le long des vallées du Saguenay, de la rivière Saint-Maurice (autour de La Tuque) ou de la rivière des Outaouais, le bois étant généralement flotté jusqu’au Saint-Laurent, d’où il était exporté en partie par les ports de Québec et de Montréal. Au début du XXe siècle, pour répondre à la demande des États-Unis en papier journal, le Bouclier méridional au Québec devient le domaine des pulperies, qui obéissent à une trilogie devenue classique: les forêts fournissent la matière première, les rivières sont le vecteur du flottage et l’hydroélectricité pourvoit au fonctionnement des machines. Les usines s’implantent en priorité dans les parties aval des vallées débouchant sur des basses terres alluviales du Saint-Laurent et de ses affluents... L’escarpement tectonique terminant au sud le Bouclier détermina l’installation des centrales électriques en même temps que le noyau des petites villes qui, comme La Tuque ou Grand-Mère, devinrent bien vite des «cités du bois».Après ses minerais et ses forêts, le Bouclier a su valoriser son important potentiel hydraulique. Il est vrai que le grand nombre de cours d’eau s’additionne aux débits soutenus liés à la pluviosité abondante. Deux fall lines déterminent l’implantation de la plupart des aménagements. La plus externe correspond à la rupture de pente mettant un terme au vieux socle au-dessus de l’axe laurentien; de l’autre côté, à l’est de la baie de James, un abrupt marque la limite entre les terrains du Précambrien et ceux du Primaire. Un autre atout est le foisonnement des lacs situés à l’amont des cours d’eau, permettant une grande régularité de leur régime. Mais se pose toutefois le problème de l’embâcle hivernal, paralysant les rivières dont le périmètre mouillé est insuffisant pour autoriser un écoulement sous la carapace glacée. Au début du XXe siècle, la centrale de Shawinigan sur la rivière Saint-Maurice a permis d’approvisionner en courant électrique Montréal grâce à une ligne de 130 kilomètres, la plus longue du monde à cette époque. La décennie 1920-1930 est celle de l’aménagement du Saguenay entre le lac Saint-Jean et la baie des Ha! Ha!. La ville de Québec fut, dès lors, éclairée elle aussi. Ce n’est qu’après 1950 qu’il se révéla indispensable d’utiliser d’autres cours d’eau pour faire face à un accroissement sensible de la demande. Cependant, l’équipement de régions plus septentrionales impliquait que l’on se rendît maître du transport du courant sur de longues distances. On alla donc chercher l’alimentation en eau jusqu’en territoire labradorien, sur la rivière Churchill. Une ligne de 1 600 kilomètres, sous tension de 735 000 volts, pourvoit le corridor laurentien en électricité. Mais la grande affaire de la fin du XXe siècle est l’aménagement hydroélectrique du pourtour de la baie de James, principalement l’équipement de la rivière La Grande. Ici se matérialise le vœu exprimé par l’ancien Premier ministre québécois Robert Bourassa: «L’énergie du Nord est la force du Québec.» Alors que les travaux ne seront achevés que vers 2005-2010, la Radissonie (partie québécoise de la baie de James), avec ses installations fortes de 12 000 mégawatts, a une capacité de production qui égale déjà huit fois celle du célèbre Hoover Dam sur le Colorado. Et quand l’équipement sera terminé, la capacité sera... vingt fois supérieure!Maintenant que l’Amérique du Nord vit au rythme de l’Accord de libre-échange nord-américain (A.L.E.N.A.), on mesure ce que représente cet incomparable potentiel hydroélectrique pour le Québec. Désormais, c’est pour la Nouvelle-Angleterre et la Mégalopolis que les usines radissoniennes turbinent l’essentiel de leurs eaux: le Québec devient chaque jour davantage le disjoncteur du nord-est des États-Unis.L’économie de la Belle Province est riche et variée et le Québec est détenteur de cartes maîtresses en Amérique du Nord. Cependant, sur son territoire, les ressources autant que leur valorisation sont à l’origine de sensibles déséquilibres régionaux.Les disparités régionales de l’espace québécoisLe 23 décembre 1987, le gouvernement du Québec a décidé le partage du territoire provincial en seize nouvelles régions administratives, afin de permettre un rééquilibrage. Mais cela ne peut empêcher que les trois régions de Montérégie, Montréal et Québec rassemblent 52,5 p. 100 des habitants et affirment un poids économique qu’il est vain d’espérer contrebalancer. Un rapide survol de ces seize régions permet de mieux cerner forces et faiblesses.– La région Abitibi-Témiscamingue, mitoyen de l’Ontario, est le pays de l’or, du cuivre et du bois, au nord-ouest de l’Outaouais. Alors que l’Abitibi est une vaste plaine argileuse (clay belt ) légèrement inclinée vers la baie d’Hudson, le Témiscamingue forme une longue dépression bordant le lac homonyme. Val-d’Or et Rouyn-Noranda sont nés de l’exploitation des gisements miniers.– Le Bas-Saint-Laurent est formé en son centre par les Appalaches, mais les altitudes demeurent modestes. Forêts, tourbières et vastes battures sont la trilogie du paysage naturel. Il s’agit d’une région en difficulté, à l’économie peu performante.– La région Chaudière-Appalaches (encore appelée Québec-Sud) est connue pour être le pays des érablières. Appalaches et plaine de Beauce se partagent l’espace. L’extraction de l’amiante, autour de Thetford Mines, est – de loin – la principale source de revenus.– La Côte-Nord, s’identifiant au Nord-Est québécois, est le pays de la forêt, du fer et de l’énergie hydroélectrique. Baie-Comeau et Sept-Îles y concentrent l’essentiel de l’activité économique. Mais la région est victime de son éloignement.– L’Estrie correspond à la région la plus appalachienne du Québec. Vaste plateau, elle a été fortement marquée par les loyalistes. Aujourd’hui, Sherbrooke commande un arrière-pays riche autant par son agriculture que par les ressources de son sous-sol.– La Gaspésie, tout à l’est, est une vaste péninsule, fière de porter le point culminant de la province, le mont Jacques-Cartier (1 248 m). Éloignée, c’est aussi une région en difficulté, en dépit des ressources minières et d’un tourisme prometteur.– La région de Lanaudière s’étend des rives du Saint-Laurent au cœur de la Mauricie, mais la vie économique se concentre sur les basses terres en bordure du fleuve. On y note le plus fort taux de croissance de la population entre 1981 et 1991, par suite du débordement de Montréal.– Les Laurentides sont par excellence le domaine des lacs, des rivières et de la forêt omniprésente. Le relief est peu accidenté et les altitudes faibles, mais la nature se prête à la pratique des sports de plein air, le ski surtout. Ici également, la proximité de Montréal se fait de plus en plus sentir.– Laval, la plus petite région administrative québécoise, n’a que 245 kilomètres carrés. Après Montréal, elle se classe pourtant à la deuxième place pour la population. C’est surtout un espace résidentiel et dévolu aux activités commerciales.– La région Mauricie - Bois-Francs est souvent appelée le «cœur» du Québec car elle s’étend de part et d’autre du Saint-Laurent. C’est le domaine de riches terres agricoles mais aussi d’industries prospères autour de Trois-Rivières et Bécancour.– La Montérégie est partagée entre les premières pentes des Appalaches et la plaine de Montréal. C’est avant tout la banlieue sud-est de Montréal. L’économie y est diversifiée et la ville principale, Longueil, est en pleine expansion.– L’île de Montréal est un territoire très densément peuplé et occupé en son entier. Tout autour du mont Royal, sur 1 p. 100 de la superficie de la province vit plus du quart de sa population. S’y trouve la deuxième métropole canadienne après Toronto.– Le nord du Québec est le pays du froid et de la toundra, en même temps que celui de la prometteuse baie de James. Sur une superficie supérieure à la moitié de la province vit à peine 1 p. 100 de la population.– L’Outaouais, en plein Bouclier, doit une grande partie de sa richesse à l’exploitation des forêts. Mais le voisinage de la capitale fédérale, Ottawa, influence de plus en plus le développement.– La région de Québec, autour de la capitale provinciale, est particulièrement variée. Outre la fonction administrative et la présence de l’industrie, le tourisme y connaît un essor, entre autres dans le comté de Charlevoix.– Enfin, la région Saguenay-lac Saint-Jean voit la majeure partie des habitants se regrouper entre La Baie et Jonquière. L’hydroélectricité et la fabrication d’alumine sont les deux piliers de l’économie.La palette offerte par ces seize régions administratives est loin de traduire la réalité géographique du découpage régional contemporain du Québec. Le vrai partage de l’espace s’effectue entre un heartland et un hinterland . La centralité s’identifie à la linéarité du corridor laurentien bien homogène, alors que la périphérie est incommensurablement étendue en direction du nord. Ce qui doit être avant tout souligné, c’est l’extraordinaire complémentarité des composantes de ce binôme heartland-hinterland. Exprimé autrement, c’est tout ce que peut représenter le Bouclier pour le Québec: gigantesque réserve de ressources du sol et du sous-sol, renouvelables ou non, il est la pièce essentielle du développement contemporain et futur, une sorte de coffre-fort géant recelant la matière première à utiliser durant plusieurs millénaires.L’ouverture économique que procure au Québec l’A.L.E.N.A. ne peut que conforter la province dans ses aspirations, alors que les mutations profondes de sa géopolitique la placent à la croisée des chemins.
Encyclopédie Universelle. 2012.